Ludographie Comparée #28

Chapitrage, solitude, confusion des genres
Disponible depuis le

Au programme de cet épisode spécial questions-réponses, Fox et InkS interrogent Mathieu Goux sur des questions relatives au chapitrage et au démarrage forcé au début de l’aventure, à la solitude dans le jeu vidéo et au monde confus de la classification des jeux en différents genres.

Addendum

Les questions des auditeurs seront traitées lors d'un épisode spécial prévu au samedi 3 septembre 2016, en direct dès 21h00.

Un mot sur l’émission

En moins d'une heure, Mathieu dissèque un élément au sein d'un jeu ou d'une série de jeux donnée. Sa discipline, la Ludographie Comparée, consiste à expliquer les raisons de la présence de cet élément, le problème qu’il sert à résoudre.
Les commentaires

    Bonjour Mathieu,
    Merci pour cette superbe émission, comme d’habitude. Je voulais revenir sur histoire de « symbolique » dans le jeu vidéo. Je viens de finir Inside et dans ce jeu, tout objet a une utilité. Ce qui permet de résoudre très facilement les « énigmes », justement parce qu’il est clair que, par exemple, s’il y a une caisse à pousser, il faudra la déplacer pour pouvoir monter dessus.

    Mais est-ce qu’un tel jeu serait aussi plaisant si les développeurs avaient ajouté des éléments interactifs sans utilité ? Si je reprends mon parallèle entre éducation et jeux vidéo, un des gros avantage des jeux vidéo, c’est qu’on sait que tout ce qui est nécessaire pour progresser se trouve dans le jeu et que tout ce qui est mis à notre disposition est utile. Dans le cas d’un exercice de mathématiques, le champ des possibles peut être tellement vaste que c’est décourageant pour les élèves n’arrivant pas à décoder le contrat didactique, comme un joueur expérimenté sait décoder le level design pour devenir ce qu’il doit faire.

    Que se passerait-il si le joueur se trouvait face à des dizaines d’objets parasites ou de fausses pistes ne menant à rien ? Est-ce que le jeu ne deviendrait pas frustrant ou ennuyeux ? Il est possible de le faire, mais à petites doses, comme par exemple dans the secret of monkey island où il y a un outil pour enlever les agrafes, qui à ma connaissance, ne sert à résoudre aucune énigme.

    On peut aussi se demander ce qui se passerait si les moyens pour résoudre les énigmes n’étaient pas toujours dans le jeu. Ce serait forcément gênant d’être bloqué dans un jeu et de devoir aller chercher de l’aide à l’extérieur, comme on pose une question au professeur, pour trouver le code de la porte qui n’est nul part dans le jeu. On casse alors le 4e mur. Une peu comme dans MGS, où un code se trouve sur la boîte du jeu, ou où il faut changer la manette de port pour battre un boss. Mais même dans ces cas, le joueur a accès à tout ce qu’il faut pour réussir.

    On pourrait aussi considérer le cas des jeux « bacs à sable », avec Minecraft en tête, où il est quasiment impossible de se mettre au jeu sans passer par des wikis expliquant les règles de crafting et l’utilité des objets. Depuis, ils ont rajouté un tutoriel il me semble.

    Ce qui montre que là aussi, on a éliminé les manuels de jeu pour les remplacé par des tutoriels. Toutes les infos nécessaires sont incluses dans le jeu.

    Le jeu doit contenir tout ce dont on a besoin pour le finir. Et très probablement, il ne doit contenir que cela. Il y a bien quelques jeux qui contiennent des caisses à casser qui ne contiennent jamais rien (Deadly Premonition, il me semble), mais c’est probablement pour « enrichir » le gameplay…

    Précisément : la définition du signe vidéoludique et de leurs réseaux, dans le sens que j’ai choisi de le définir, implique bien qu’un jeu vidéo est un ensemble fermé, dans lequel tous les éléments qu’il contient sont utiles pour l’aventure, sans pour autant qu’ils en deviennent nécessaires : certains signes sont en ce sens contingents, mais ils prennent nécessairement place dans un réseau de signes nécessaires. L’exemple-type, c’est la « quête annexe » des RPG : sa complétion est contingente, mais l’objet/gain d’expérience/personnage caché qu’elle permet d’obtenir est nécessaire dans la mesure où il prend place dans le fil principal du jeu, souvent pour faciliter sa conduite.

    Après, et sans revenir sur tes exemples et tes réflexions qui sont tout à fait pertinentes, je précise ici cependant que dire que le jeu vidéo devait faire l’expérience de « l’inutile » ne doit pas se comprendre comme synonyme d' »inutilisable ». Dans le cadre de l’ôte-agrafes de Monkey Island, l’objet est inutilisable – c’est-à-dire qu’il ne permet de résoudre aucune énigme, il ne fait pas partie du réseau action/récompense des signes du jeu – mais il n’est pas inutile – l’objet est récupérable et on peut s’en servir pour interagir avec l’environnement, même si Guybrush nous dit une phrase passe-partout du type « cela ne marche pas », etc. ; autrement dit, il appartient au réseau de signes « récupérer un objet/le transporter pour une future utilisation ». On est dans la « fausse-piste », comme tu dis, mais ce n’est pas de l’inutile comme je le conçois.

    L’inutile est, pour moi et dans un jeu vidéo, au-delà du nécessaire et du contingent : c’est le non-être, le néant dans le sens sartrien (lorsqu’il déclare « l’homme est une passion inutile » dans « L’Être et le Néant »), il n’a aucune raison et il se refuse, même, à la tentation du symbole et du signifiant. C’est un non-signe, qui appelle, à ce moment-là, vers l’au-delà du jeu, non plus vers le para-vidéoludique (cf. la boîte de MGS, et voir mon émission sur FTL) mais vers « le non-vidéoludique », que l’on pourrait définir comme un élément intra-vidéoludique qui ne peut se réduire à une utilité, à un signe ou à un symbole au sein de l’espace du jeu. C’est une forme d’impressionnisme vidéoludique, qui s’intéresserait à la mouvance des choses, à ce qu’elles sont plutôt qu’à ce qu’elles pourraient être.

    En soi, on pourrait considérer qu’une animation d’idle, à la condition qu’elle ne permette pas de construire le caractère d’un personnage et ne soit donc pas interprétable diégétiquement, se rapproche de cette définition. « The Stanley Parable » (cf. mon émission) s’approchait peut-être le plus de cette idée dans la mesure où, comme je tente de le montrer, il nous présente un véritable libre-arbitre (en incorporant la notion du « non-choix ») ; il est finalement perdu, comme d’autres, par son besoin – sans le vouloir ? – de narrer… Mais on y viendra peut-être.

    sympa le commentaire et la réponse 😉 merci pour l’émission !

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